Dans Love is Blind France, le couple formé par Julie et Charles avait tout d’une success story romantique.
- Elle : vive, émotive, solaire.
- Lui : réservé, rassurant, presque timide.
Dans les capsules, la magie opère. Mais dès la première rencontre, Julie confie ne pas ressentir de réelle attirance physique. “Je n’ai pas eu le coup de foudre”, admet-elle, avant d’apprendre à aimer Charles autrement.
Pendant un temps, le pari semble gagné : la complicité, la tendresse, la douceur prennent le relais du désir. Jusqu’à ce que, quelques semaines après leur mariage, Charles demande une pause, il veut prendre ses distances. Puis un SMS met fin à l’histoire.
Derrière cette rupture brutale se cache une mécanique qu’on retrouve bien au-delà des capsules de Love is Blind : le shrekking, une tendance amoureuse symptomatique de notre époque.
Qu’est-ce que le shrekking ?
Le terme vient du personnage de Shrek, l’ogre qu’on apprend à aimer malgré son apparence. Sauf qu’aujourd’hui, le sens s’est inversé : le shrekking consiste à choisir quelqu’un de perçu.e comme moins attirant.e que soi, non par altruisme ou authenticité, mais par stratégie.
Le but ? Se sentir en sécurité. Éviter d’être quitté.e, trompé.e, comparé.e. En somme, aimer moins pour risquer moins.
Ce n’est pas une fantaisie affective, c’est une logique défensive. Dans un marché amoureux saturé : applis de rencontres, illusion du choix infini ou peur du rejet, le shrekking agit comme un mécanisme de protection. On ne cherche pas forcément l’amour, on cherche une position de pouvoir.
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Inscrivez-vousJulie et Charles, une illustration involontaire ?
Sans le savoir, Julie et Charles ont incarné malgré eux ce paradoxe moderne : choisir quelqu’un qui semble plus sûr que bouleversant.
Au départ, Julie explique qu’elle n’était pas attirée par Charles, mais qu’elle voulait dépasser ses critères physiques. Son discours sincère résonne avec celui de toute une génération fatiguée des jeux de séduction, prête à troquer la passion pour la stabilité.
Mais dans cette dynamique, l’amour se construit parfois sur un déséquilibre invisible :
- l’un.e se sent chanceux.se,
- l’autre se croit sage.
- Et quand le rapport de force s’inverse, tout s’écroule.
Charles, de son côté, dit avoir eu besoin d’espace, de distance, évoquant un manque de respect et d’équilibre.
Leur histoire, vue sous le prisme du shrekking, met en lumière une vérité dérangeante : quand on choisit l’autre pour se protéger, on finit souvent par se blesser autrement.
Aimer pour dominer ou pour exister ?
Le shrekking révèle surtout une peur contemporaine : celle d’être vulnérable.
Dans un monde où l’on compare tout (corps, carrières, désirs), choisir un.e partenaire moins désirable devient une stratégie de contrôle.
On pense limiter le risque d’être quitté.e, mais on recrée simplement une hiérarchie des corps : celui qui vaut plus et celui qui doit prouver.
L’amour n’est plus un pari, c’est une couverture.
Cette logique s’inscrit dans un contexte plus large : la rentabilité émotionnelle. On veut de la fiabilité, du rendement affectif et le tout sans drama. Mais à force de minimiser les risques, on éteint aussi la part de désir, de hasard, d’inconfort, qui fait justement la beauté de la rencontre.
Les leçons à tirer de Love is Blind France
L’émission, censée prouver que l’amour va au-delà des apparences, révèle surtout à quel point elles continuent de nous obséder.
Même derrière un mur, on reste prisonnier.ère de nos réflexes de classement : qui attire le plus ? qui mérite qui ? Et si Love is Blind France séduit autant, c’est peut-être parce qu’elle met le doigt sur cette contradiction : on rêve d’un amour vrai, mais on le vit avec la peur de perdre.
En résumé
Le shrekking n’est pas une mode, c’est un miroir. Il est le reflet d’une époque où la vulnérabilité semble dangereuse, où la séduction devient un calcul et où l’amour se transforme en stratégie.
Mais Love is Blind France rappelle aussi qu’aucune précaution n’annule le risque : aimer, c’est s’exposer.
Et c’est précisément ce qui, malgré tout, fait encore de l’amour la plus belle des folies.